Le loyer indexé n’est pas condamné à rester supérieur ou égal au loyer précédent ! La Cour de Cassation affirme que la clause interdisant une indexation du loyer à la baisse est sanctionnable.

 

Loyer indexé > loyer précédent ?

Alors qu’on constate une lente mais constante diminution de l’indice des loyers commerciaux, faut-il se résoudre à la formule mathématique suivante : Loyer indexé > loyer précédent ?

 

La lecture d’un arrêt du 14 janvier 2016 ne permet plus d’hésiter ! Est nulle la clause d’indexation qui exclut la réciprocité de la variation et stipule que le loyer ne peut être révisé qu’à la hausse. La clause qui exclut, en cas de baisse de l’indice, l’ajustement du loyer prévu pour chaque période annuelle en fonction de la variation de l’indice publié dans le même temps, écartant toute réciprocité de variation, fausse le jeu normal de l’indexation et doit être réputée non écrite ( Cass. 3° Civ. 14 janv. 2016, n° 14-24681 ) [1]. Exit donc la formule « la présente clause d’échelle mobile ne saurait avoir pour effet de ramener le loyer révisé à un montant inférieur au loyer de base précédant la révision » ! Le principe laisse-t-il la place à l’insertion dans le bail d’une clause qui n’interdit pas la réciprocité de la variation mais qui limiterait néanmoins la baisse du loyer consécutive à une diminution de l’indice ?

 

La prohibition des clauses d’indexation « à la hausse »

Avant que ne soit rendu cet arrêt, la réponse n’allait pas de soi. Le texte est silencieux, même si certains auteurs s’accordent pour interpréter les dispositions de l’article L. 145-39 du Code de commerce comme interdisant l’absence de réciprocité. La réponse ministérielle est équivoque ( « à chaque locataire d’examiner attentivement la clause de révision telle qu’elle figure dans son contrat de location” car la « baisse de cet indice devrait se traduire alors par une baisse de loyer dans les mêmes proportions » ) [2]. Et le seul arrêt de la Cour de cassation sanctionnant ce type de clause d’échelle mobile « qui, en excluant toute réciprocité, n’a eu d’autre but que de prémunir le bailleur contre la dépréciation monétaire et de faire échec à la loi sur le cours forcé »[3] date de plus de 60 ans. La doctrine de son côté est très partagée[4].

 

L’indexation à la hausse est-elle contraire à l’article L. 145-39 ?

En application de l’article L. 145-39, si le bail est assorti d’une clause d’échelle mobile, la révision peut être demandée chaque fois que, par le jeu de cette clause, le loyer se trouve augmenté ou diminué de plus d’un quart par rapport au prix précédemment fixé contractuellement ou par décision judiciaire. Le législateur envisage un contrôle de la variation du loyer, que celui-ci augmente ou diminue en application de la clause. Des juges ont pu en déduire que la clause d’indexation à la hausse, faute de réciprocité, était illicite[5]. D’autres se sont refusés à interpréter ainsi l’article L. 145-39. Selon les juges aixois, aucune disposition légale ou contractuelle n’interdit la clause d’indexation ne jouant qu’à la hausse, une telle disposition n’enfreignant pas l’article L. 145-39[6]. L’article L 145-39 « ne pose aucune autre exigence que la simple constatation de l’augmentation ou la diminution du loyer par le jeu de la clause d’échelle mobile »[7].

 

L’indexation à la hausse est-elle contraire à l’alinéa 2 de l’article L. 112-1 du Code monétaire et financier ?

C’est le fondement utilisé par l’arrêt de janvier 2016 par les juges d’appel pour invalider la clause d’indexation à la hausse. Le raisonnement des juges du fond était le suivant : la clause organise une distorsion contractuelle entre la période de variation de l’indice et la durée s’écoulant entre deux révisions. En effet, la modification du loyer en cas de baisse de l’indice intervenait nécessairement sur une période plus longue que celle de la variation des indices. L’indexation avait été réalisée « en se référant à un indice remontant à plus d’une année, ce qui avait entraîné une hausse du loyer « supérieure à la variation effective de l’indice ». Or, le propre d’une clause d’échelle mobile est de faire varier à la hausse et à la baisse. L’arrêt est confirmé par la troisième chambre civile en ces termes : est nulle une clause d’indexation qui exclut la réciprocité de la variation et stipule que le loyer ne peut être révisé qu’à la hausse. La clause excluant, en cas de baisse de l’indice, l’ajustement du loyer prévu pour chaque période annuelle en fonction de la variation de l’indice publié dans le même temps, la nullité s’imposait.

 

Et les juges choisissent de donner une portée large à la sanction, la clause étant déclarée non écrite en son entier au regard de son « caractère essentiel ». Le juge aurait-il pu considérer que seule la partie de la clause interdisant une diminution du loyer en application de la clause d’échelle mobile est non écrite ? Et en conséquence, recalculer le montant du loyer selon l’indice choisi par les parties y compris lorsque cette indexation se traduit par une diminution du loyer. C’est-à-dire appliquer la clause d’échelle mobile en faisant abstraction du maintien du loyer en cas de baisse, et ce non pas depuis l’origine du bail mais depuis la première année où la clause aurait dû permettre de revoir le loyer à la baisse. Nous partageons l’avis d’un auteur qui ne conçoit pas « qu’une clause réputée non écrite puisse justifier qu’elle soit à nouveau appliquée ( … ). Il est préférable que le juge choisisse d’étendre la sanction à l’ensemble de la clause prévoyant l’indexation et donc de priver le bailleur du mécanisme même de l’indexation pour l’avenir comme pour le passé, ce qui doit avoir pour effet de condamner le bailleur à restituer l’ensemble des sommes réglées par le locataire en application de cette indexation et ce depuis l’origine du bail.

 

En l’espèce, les juges ont choisi de réputer non écrite l’ensemble de la clause, au regard du « caractère essentiel de l’exclusion d’un ajustement à la baisse du loyer à la soumission du loyer à l’indexation ». Et la Cour a rejeté le pourvoi malgré les objections du bailleur. Ce dernier faisait valoir que la clause d’indexation « était rédigée en huit paragraphes, les sept premiers paragraphes organisant une clause d’échelle mobile classique et le dernier prévoyant que le loyer ne pouvait être ramené à un montant inférieur à celui de l’année précédente ». Selon lui, la cour d’appel devait réputer non écrit, uniquement, le dernier paragraphe et ne pouvait étendre la sanction prévue à des stipulations qui n’instauraient pas la variation indiciaire prohibée. Au contraire, les juges du fond ont fait de la clause un tout indivisible et sanctionné la clause sans faire de distinction entre le principe de l’indexation lui-même et ses modalités de mise en œuvre.

 

De la validité du « capage » et « clauses tunnel » ?

Les parties pourraient-elles s’entendre pour que le loyer indexé puisse varier à la baisse mais sans dépasser un plancher arrêté au loyer convenu initialement entre elles ou qu’il ne pourra varier de plus de x % chaque année  La réciprocité de la variation serait ainsi assurée. La question a été posée récemment à la cour d’appel de Paris en présence d’une clause limitant la variation du loyer, en cas d’indice baissier, à un montant de loyer ne pouvant être inférieur au loyer prévu au bail initial. Et la Cour d’affirmer que cette clause « n’interdit pas la variation du loyer à la baisse mais la limite au loyer initialement convenu ; elle ne constitue pas la distorsion prohibée dès lors que précisément, l’indice de référence fixe est l’indice applicable à la signature du bail »[8]. Malgré cette décision récente, nous invitons les rédacteurs de baux commerciaux à la prudence. La parade semble effectivement efficace pour limiter la baisse du loyer mais n’est pas forcément à l’abri de la critique au regard des dispositions du Code monétaire et financier.

 


[1] D. actu 20 janv. 2016, obs. Y. Rouquet ; JCP, éd. E, 2016, obs. B. Brignon à paraître.

[2] Rép. min. n° 40721, 8 juill. 1996, JOAN Q 16 sept. 1996, p. 4958.

[3] Cass. Com. 15 nov. 1950, D. 1951, 21.

[4] v. not. C. Denizot, Analyse de la clause d’échelle mobile ne jouant qu’à la hausse, AJDI 2010. 1 ; F. Planckeel, Clause d’indexation ne jouant qu’à la hausse : réputé non écrit, nullité ou révision du loyer ?, AJDI 2013, p. 517.

[5] Versailles 10 mars 2015, Loyers et Copro n° 11, nov. 2015, 225, obs. Ph.-H. Brault.

[6] Aix-en-Provence 15 mars 2013, AJDI 2013, 517, obs. F. Planckeel; Loyers et copro 2013, no 145, obs. E. Chavance.

[7] Paris 3 avr. 2013, AJDI 2013. 517, obs. F. Planckeel; Loyers et copro 2013, no 184, obs. Ph.-H. Brault; Administrer juin 2013. 44, obs. Sainturat.